3 Contexte politique

Afin d’éviter la pratique de dumping salarial et social lors de l’introduction progressive de la libre circulation des personnes en Suisse — qui compte les salaires les plus élevés en Europe — les syndicats ont conditionné leur soutien aux accords bilatéraux18 et leurs extensions par la mise en place de mesures d’accompagnement. Il est à rappeler qu’en raison du principe de non-discrimination , la libre circulation des personnes implique l’abandon d’un contrôle de salaire a priori et la priorité donnée à la main-d’oeuvre suisse. Les mesures d’accompagnement doivent donc remplacer un système de contrôle a priori par un système de monitoring a posteriori. Celui-ci doit faciliter l’extension8 ou la création d’une régulation pour une branche (ou une profession) dans laquelle on observe une aggravation des conditions de travail ou une sous-enchère salariale abusive et répétée. Le monitoring du marché de travail est la tâche des commissions tripartites (voir encadré).

Les commissions tripartites

La commission tripartite de la Confédération (CTP fédérale) et celles des cantons sont composées de représentants des autorités, des employeurs et des syndicats. Elles observent le marché du travail, contrôlent le respect des contrats-types obligatoires, dénoncent les abus aux autorités d’exécution cantonales et peuvent proposer des mesures (extension facilitée ou adoption de contrats-types fixant un salaire minimum).

Source: SECO

Le 8 février 2009, la Suisse devait décider pour la troisième fois, et ce sur une courte période, si elle voulait reconduire et étendre en même temps les accord bilatéraux aux deux derniers pays entrés dans l’Union Européenne : la Bulgarie et la Roumanie.

Si le plus grand parti de Suisse (l’Union Démocratique du Centre) a fortement critiqué le choix du Parlement d’unir cette reconduction et l’extension au sein d’un seul et unique décret le 13 juin 2008 (voir tableau chronologique dans l’annexe), il a renoncé officiellement à lancer un référendum. Ce dernier a néanmoins été initié par une partie des Jeunes UDC ainsi que des partis nationalistes et de l’extrême droite. Il a abouti le 6 octobre 2008, à l’aube de la crise bancaire, lorsque les perspectives économiques étaient peu rassurantes. Selon les sondages, l’opinion de la classe moyenne — traditionnellement en faveur de la libre circulation des personnes — oscillait entre l’indécision et le refus de la reconduction. Ce refus aurait, selon le gouvernement et une grande partie des observateurs, signifié la fin des accords bilatéraux avec l’UE, jugés indispensables à la prospérité économique de la Suisse.

En décidant de mettre en place un CTT fédéral impératif, le gouvernement suisse a affiché sa volonté de protéger le marché de travail des éventuelles sous-enchères salariales, et ceci, juste avant la votation sur l’extension de la libre circulation des personnes du 8 février 2009 (Roumanie et Bulgarie). Cette manoeuvre permet également de faire coïncider l’entrée en vigueur du CTT, prévue pour 2011, avec l’abolition des contrôles du respect des conditions usuelles de travail (préalables à l’octroi des autorisations) pour les pays de l’UE-8 (voir tableau chronologique dans l’annexe). L’entrée en vigueur prévue pour 2011 permettait ainsi d’anticiper le risque accru de sous-enchère qui en découlait.


  1. Le choix d’un rapprochement avec l’UE au travers d’accords bilatéraux sectoriels est une conséquence du refus des citoyens aux urnes de l’adhésion à l’Espace économique européen (EEE) en décembre 1992.↩︎